"C'est peut-être l'enfance qui s’approche le plus de la "vraie vie" ", prônait le surréaliste André Breton. C’est vrai qu’il y a des jours où l’on se passerait bien des complications de la vie d’adulte pour retrouver la légèreté et l’insouciance de nos tendres années. Franck Martin, auteur et formateur reconnu dans le domaine des relations de confiance en est persuadé : “les enfants sont plus heureux que les adultes”. À contre-courant des conceptions traditionnelles, il publie “Les super-pouvoirs de l’innocence, ou comment retrouver la part de génie de notre enfance”* pour interroger les vertus de l’innocence en tant que forme d’émerveillement perpétuel et de liberté.

Redonner ses lettres de noblesse à l'Innocence

L’innocence. Il serait peut-être temps de lui redonner ses lettres de noblesse. Ce mot trop souvent teinté de naïveté fait référence à notre petite enfance. Lorsque nous étions vierges de tout préjugés, confiants, spontanés, curieux. Autant de “super-pouvoirs” que les années ont enfouis en nous.

“Les enfants n’ont pas encore mis en marche leur machine à penser. Ils ne connaissent pas de lutte interne”, explique Franck Martin. En somme, ils sont comme libérés, délivrés des conventions sociales. Ils n’ont pas peur du jugement ou des opinions, ne connaissent ni la compétition, ni la jalousie, ni l’hypocrisie, ni même la politesse. Pratique. Vous aussi vous aimeriez réussir à ignorer ce collègue un peu lourd pendant votre trajet de bus matinal, sans être rattrapée par la culpabilité. 

Ce qui caractérise l'enfant, c’est sa capacité à s’émerveiller de tout. L’adulte, lui, est “marqué par ses croyances, le transgénérationnel et ses expérimentations passées.”, tandis que l'enfant est exclusivement guidé par le plaisir et l’enthousiasme. Il apprend tout, découvre tout, par le jeu notamment. On parle de jeux d’enfants, mais pour les enfants, “le jeu est tout ce qu’il y a de plus sérieux” souligne Franck Martin.

Seulement voilà, en grandissant, la société nous bouscule et nous fait prendre conscience du poids de nos décisions. L’énigmatique et sentencieux âge de raison nous fait lentement basculer dans le monde des adultes.

L’âge de raison, et après?

Vous vous dites que votre boulangère ne vous aime pas parce qu'elle ne vous sourit jamais ? Mais d’où vous vient cette idée ? Franck Martin parle de “maladie du raisonnement”. Pour nous protéger du rejet et de la souffrance, notre cerveau cherche à créer des liens plus ou moins logiques. Il généralise, envisage des possibilités. Le fait que votre boulangère ne vous apprécie pas est une déduction, et non une réalité factuelle. Vous, par exemple, vous décochez tous les jours votre plus beau sourire à ce collègue un peu lourd, sans pour autant l’apprécier.

Il est là le nœud du problème. Dans un monde d’adultes qui se doit d’être sérieux et rationnel, on passe trop de temps à intellectualiser ce qui ne devrait pas l’être. “Travaille bien à l’école”, “ Pense à ton avenir “, “ Pense aux choses sérieuses”, “Grandis!”, “ Aie la tête sur les épaules”, “Arrête de rêver”, “Prends tes responsabilités” “Assume les conséquences de tes actes”. Autant d’injonctions à nous autonomiser, à nous prendre en charge, à devenir responsables qui nous font vite comprendre que devenir adulte, c’est du sérieux.

Les enfants sont des êtres zens

Pourtant “les enfants sont des êtres zens. Ils vivent ici et maintenant. Ce sont de petits bouddhas.” explique Franck Martin. Son constat: en grandissant, nous sommes devenus raisonnables et nous avons perdu une forme de fraîcheur, de légèreté, d’enthousiasme. Cette énergie s’est effondrée sous le poids des attentes et des responsabilités du monde des adultes.

La cause de cette dépossession ? C’est nous-même. Car “tous les enfants naissent enthousiastes." Ils sont dotés d’une infinie ouverture d’esprit, ne connaissent pas de hiérarchie et sentent instinctivement reliés aux autres. Le problème, c'est qu'au cours de leur éducation, nous pensons plus à contenir et à corriger leur nature qu’à la laisser se développer. C'est d'ailleurs le leitmotiv de la pédagogie Montessori

Enfantin n’est pas infantile

Et si nous renouions avec notre enfant intérieur ? Contrairement à ce que l’on pourrait penser, renouer avec son âme d’enfant, ou l’entretenir, n’est pas synonyme de régression ou d’immaturité. Au contraire, cela signifie réinvestir toutes les qualités de l’enfant : la confiance, l’innocence, l’insouciance, la spontanéité, la créativité, l’amusement. Innocence, oui. Mais pas naïveté. Pas question de refuser de grandir et de s’envoler, direction le pays imaginaire façon syndrome de Peter Pan.

“Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. Mais peu d'entre elles s'en souviennent” lit-on dans Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, maintes fois cité par Franck Martin. Pour accéder au bonheur, nous devons “ réapprendre à faire Bob l’éponge”. Oui, le sympathique petit personnage qui vit dans un ananas sous la mer. Vivre l’instant présent, faire preuve de spontanéité et de curiosité nous permet de renouer avec les autres et d'accéder au bonheur. Cessez de vous comparer à autrui, laissez de côté vos préjugés,  acceptez le temps qui passe, concentrez vous sur l’instant présent et adoptez la  pensée positive, conseille -t-il. 

* Les super-pouvoirs de l’innocence, Franck Martin aux éditions Eyrolles, 

Pour aller plus loin:

 

Les super-pouvoirs de l’innocence de Franck Martin aux éditions Eyrolles, 176 pages, 16,00 € sur Amazon